Cabaret
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18 novembre 2005
La
coiffure de Lydie Polfer, le retour
Les imitations et parodies font du programme 2005 du Cabarenert, Schwamm driwwer, un bon cru
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josée
hansen
Ils ont gardé raison. Dans leur dernier
programme, il y a presque deux ans, les Cabarenert avaient
prévu – ou rêvé ? – le naufrage du DP aux
élections législatives de juin 2004. Dans leur programme
de cette année, Schwamm
driwwer, il recensent les dégâts : un survivant
avait réussi à s’accrocher à l’épave du
vaisseau de guerre que le gouvernement CSV-DP a acheté – la
faute colossale de n’en avoir acheté qu’une moitié ne se
révéla qu’à ce moment-là aux
libéraux... Seul Henri Grethen a survécu, relax, ce
naufrage en haute mer en nageant... sur le dos. Hilarité dans la
salle. Heureusement, le DP n'est pas rancunier: il va payer deux
représentations du programme de cabaret à ses membres.
Ils verront alors aussi une délicieuse scène de Lydie
Polfer voulant se faire faire une nouvelle tête après la
débâcle qu'elle a connue aux élections communales
de cet automne. La coiffeuse, une frontalière allemande
blondasse à souhait (Marianne Pettinger, toujours aussi
excellente), s'interroge sur les raisons de cet échec: et si, au
XXIe siècle, les gens
préféraient les boucles? Au fond de la scène, un
personnage de dos avec un seau sur sa perruque bouclée fait
figure de spectre qui hante les nuits de l'ancienne ministre.
Si dans les deux derniers programmes, les auteurs du Cabarenert, Roland
Gelhausen et Jay Schiltz, cherchaient un peu leur voie, ce
phénomène se ressent tout aussi fortement durant la
première moitié de ce spectacle 2005-2006. On ne sait pas
exactement où ils veulent en venir, quelle est leur position
politique. Et pour cause: tous les ministres CSV y sont
déjà passés, et peu de choses ont bougé
depuis que la troupe existe. Le Premier ministre, Jean-Claude Juncker,
domine toujours autant, même s'il n'est pas directement
présent sur scène. «A mir behaalen de
Juncker!» – et nous, on doit garder Juncker! soupirent-ils dans
le sketch sur le référendum sur la constitution
européenne.
Alors, si le CSV est ennuyeux à mourir pour un auteur de
cabaret, que les Verts ne sont pas encore assez connus, l'ADR ni
fréquentable ni rigolo et que les libéraux en prennent
déjà bien assez pour leur grade, reste le LSAP. Or,
Cabarenert est réputé être une troupe de gauche –
au moins un peu plus à gauche que la Lëtzebuerger Revue, même
si cette distinction ne leur réussit pas toujours, que, comme la
Revue, ils glissent par
moments vers le banal, le grossier ou le vulgaire, que des sketchs sur
les fonctionnaires paresseux, on en a vus plus qu'assez –, il leur
reste néanmoins un grand dilemme à résoudre:
comment attaquer élégamment et gentiment les socialistes,
si fraîchement arrivés au pouvoir?
La réponse se trouve dans la deuxième moitié du
spectacle: le sketch Mäi
léiwe Jang géi net a China vaut à lui seul
le détour. Jay Schiltz (auteur) et Roland Gelhausen (acteur) y
dépeignent le ministre des Affaires étrangères
comme le gars sympa de Steinfort toujours un peu dépassé
par les événements qui lui arrivent, et qui, tout en
inaugurant le grand magasin Ikea à Grasse,
téléphone dans un anglais approximatif avec
«Condy» («yes, yes, God bless you!») et il est
à se plier de rire. «Ce n'est pas parce que nous sommes
plus petits que les États-Unis que nous sommes forcément
moins bêtes!»
Ces imitations sont ce qui sauve le programme Schwamm driwwer. Car, si certains
des 17 sketchs sont trop accusateurs au premier degré, trop
«pédagogiques» (comme la chanson sur les inondations
en Amérique), parfois même au bord de l'ennui, les quatre
acteurs et actrices Roland Gelhausen, Pascal Granicz, Monique Melsen et
Marianne Pettinger se surpassent dans les imitations et les parodies de
politiciens et personnages publics existants. Les observations sont
pertinentes, le ton juste et les gestes directement identifiables.
Monique Melsen commence à devenir familière en
grande-duchesse insatiable, qui veut toujours plus de glamour, plus de proximité avec son
peuple, plus de pouvoir.
Pascal Granicz ne se retient pas dans son imitation de l'avocat Gaston
Vogel, et est super en tant que ministre nain de jardin de la culture,
en duo avec sa collègue ingénue de la Moselle, si
fière d'être enfin au pouvoir, et qui sont tous les deux
rattrapés par la sorcière blonde venant de Strasbourg sur
son balai. Même Tom Graas, le présentateur de RTL Télé Lëtzebuerg,
est directement identifiable à sa seule intonation. Les
imitations ont aussi fait le succès à long terme des Guignols de l'info sur Canal +. Et comme la bêtise
humaine ne tarit jamais, les Cabarener ont donc eux aussi encore de
beaux jours devant eux.
Schwamm driwwer, le
programme 2005-2006 de la troupe Cabarenert, avec des textes de Roland
Gelhausen et Jay Schiltz et dans la mise en scène de Conny
Scheel, avec Monique Melsen, Marianne Pettinger, Roland Gelhausen a
Pascal Granicz, sera encore joué jusqu'à la
mi-décembre au Sang a Klang au Pfaffenthal; réservations
par téléphone au : 061 199128. Comme ces
représentations se jouent toutes à guichets
fermés, mieux vaut essayer de les voir en tournée
à travers le pays, les dates et lieux sont annoncés sur www.cabarenert.lu
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